Que ce soit sur les côtes ou en haute mer, les écosystèmes marins sont exposés à des menaces grandissantes, liées à l’intensification des activités humaines. Aucune zone de la planète n’est épargnée, une grande partie (41 %) étant aujourd’hui fortement affectée.
Ces menaces sont multiples, en voici les principales.
Citons en premier lieu la surpêche qui épuise les stocks de poissons, perturbe les chaînes alimentaires et peut entraîner l’effondrement des écosystèmes marins ; on estime en effet que plus de 55 % de la surface océanique est exposée à une exploitation intense des ressources halieutiques.
Le chalutage de fond, encore parfois autorisé dans certaines zones protégées (zones Natura 2000, sanctuaire Pélagos et parc naturels régionaux par exemple), cause des dommages considérables aux fonds marins et entraîne, à grande échelle, une remise en suspension des stocks de carbone accumulés depuis des milliers d’années.
Citons ensuite la destruction des habitats côtiers – herbiers et forêts (herbiers de posidonie, zostères, varech), mangroves et récifs coralliens. Cette destruction est généralement liée à l’urbanisation, à l’exploitation minière, à la pollution et aux pratiques agricoles non durables, telles que l’aquaculture des crevettes, responsable de la disparition de plus 35 % des mangroves, espaces qui contribuent pourtant significativement au stockage du carbone.
Il y a aussi toutes ces activités humaines qui génèrent diverses formes de pollution affectant les écosystèmes marins. La pollution par les produits chimiques toxiques (pesticides et autres intrants par exemple), les produits pétroliers, les déchets plastiques et les nutriments provenant des activités agricoles, aquacoles ou urbaines peut avoir des effets néfastes sur les organismes marins.
Dans le contexte du réchauffement climatique
Menace globale, le réchauffement climatique a également des impacts importants sur les écosystèmes marins. La hausse des températures de l’eau, l’acidification des océans, l’élévation du niveau de la mer et la fréquence accrue des événements météorologiques extrêmes (comme les tempêtes) menacent les côtes, les récifs coralliens, les poissons, les mammifères marins et d’autres espèces.
L’apparition d’espèces exotiques envahissantes dans les écosystèmes marins peut également avoir des effets dévastateurs. Elles peuvent en effet concurrencer les espèces indigènes, altérer les habitats marins et perturber l’équilibre des chaînes alimentaires. Le cas de l’invasion fulgurante des eaux caribéennes par le poisson-lion constitue un cas d’école.
Soulignons enfin l’exploitation non durable des ressources marines – produits pétroliers, gaz, métaux et minéraux –, et celle des ressources halieutiques qui peuvent conduire à la surexploitation et à la dégradation des écosystèmes marins.
Préserver les ressources marines
Comment atténuer ces menaces ? Principalement par la création d’aires marines protégées (AMP), la promotion d’une pêche durable et respectueuse, la sensibilisation des populations à la protection de l’environnement, la réduction de la pollution et l’adoption de politiques de conservation.
La création d’AMP – et tout particulièrement celles hautement ou totalement protégées, différents niveaux de protection existant au sein de ces espaces –, représente un outil clé dans les efforts de préservation. Rappelons, en reprenant la définition qu’en donne l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) qu’une aire marine protégée (AMP) constitue :
« un espace géographique clairement défini, reconnu, dédié et géré, par des moyens juridiques ou autres moyens efficaces, pour assurer la conservation à long terme de la nature et des services écosystémiques associés et les valeurs culturelles. »
Parmi les effets bénéfiques de ces zones, il y a ainsi le fait qu’elles offrent des habitats essentiels à de nombreuses espèces marines, y compris des espèces menacées ou en voie de disparition, à l’image des grands prédateurs. Elles réduisent le stress des organismes lié aux activités humaines et favorisent la diversité génétique indispensable à une bonne résilience face aux changements à venir.
En limitant les activités humaines néfastes, telles que la pêche industrielle ou la destruction d’habitats, ces zones permettent également aux écosystèmes de se renouveler et de retrouver leur fonctionnalité. Il a ainsi été montré que les récifs coralliens protégés par des AMP offrent une meilleure résistance aux inondations.
Les AMP jouent aussi un rôle dans l’atténuation du changement climatique. Les écosystèmes marins, tels que les mangroves, les herbiers marins, les fonds sablo-vaseux et les récifs coralliens, stockent des quantités importantes de carbone et contribuent, dans une certaine mesure, à réduire les émissions de gaz à effet de serre qui détraquent l’équilibre climatique.
Ces espaces apportent également de nombreux avantages socio-économiques aux communautés locales. En permettant de favoriser un tourisme durable, qui attire des visiteurs intéressés par la beauté naturelle et la richesse biologique des zones protégées. À tel point qu’il est parfois nécessaire de réguler le flux des visiteurs, comme au parc des Calanques depuis l’été 2022, pour limiter leur impact. Elles peuvent également soutenir les activités de pêche artisanale en préservant les stocks de poissons et en fournissant des zones de reproduction. Lorsque les AMP bénéficient d’un haut niveau de protection, leur biomasse est plus de 4 fois plus importante à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’AMP ; cela profite à terme à la pêche artisanale locale.
Pas assez de protection forte
Aujourd’hui, si l’ambition du gouvernement français d’étendre les aires marines protégées à hauteur de 33 % de son territoire maritime est louable, il n’en reste pas moins qu’une très faible proportion de ces AMP sont intégralement protégées.
Si, officiellement, plus de 23 % des eaux françaises ont le statut d’AMP, à peine 1,7 % bénéficient d’une protection forte : 0,05 % en France métropolitaine et 1,65 % dans les DOM (dont 80 % dans les Terres australes et antarctiques françaises).
Enfin, il est regrettable que les AMP françaises à protection forte soient très inégalement réparties sur le territoire, puisque 97 % d’entre elles sont situées dans les territoires d’outre-mer (si l’on y inclut la Nouvelle-Calédonie) et seulement 3 % en France métropolitaine, là où précisément, les pressions anthropiques sont les plus variées et les plus importantes.
Benoît Derijard prendra part, ce mardi 30 mai 2023 à 17 heures au Centre universitaire méditerranéen de Nice, à une table ronde organisée par l’Université de Côte d’Azur sur le thème des aires protégées, en compagnie de Jean-Pierre Gattuso, Vanina Pasqualini et Arnaud Allari. Consultez toutes les informations pratiques ici.
Benoit Derijard est membre de l'Association Apis Campus pour la préservation des pollinisateurs. Par ailleurs, il a reçu des financements de la Communauté Européenne (Feampa) et de l'Université Côte d'Azur.