Billet. L214, l’élevage cruel et l’eurodéputé miro

1 month ago 20

Éric Sargiacomo est un homme de terrain. L’eurodéputé, vice-président de la commission Agriculture au Parlement européen, n’hésite pas à se rendre dans les élevages pour prendre la température du bien-être animal. Le 10 mars dernier, il s’offre ainsi « une journée au cœur de la filière volaille dans les Landes », notamment à Sabres, où se trouve le site de l’entreprise SASSO Traditional Poultry. Il salue une « filière d’expérience » qui fait face au défi de préserver le Label Rouge, un garant « de qualité, de savoir-faire et de bien-être animal », se félicite-t-il. La vidéo le montre en costume dans les camions, puis dans des locaux immaculés, blouse et charlotte sur la tête. Tout est en règle. Du moins semble-t-il. Car la vidéo ne montre aucun animal.

Il serait donc passé à côté des cages exiguës dans lesquelles les poules crèvent chaque jour, volontairement affamées et assoiffées, empilées les unes sur les autres dans l’obscurité. Ce mardi, l’association L214 a publié un rapport dénonçant image à l’appui des pratiques barbares utilisées à dessein afin de relancer un dernier cycle de ponte juste avant l’abattage. La technique s’appelle « mue intégrale forcée » et relève de la torture. Quid « des réalités du terrain » censées être observées par l’eurodéputé ? Un lanceur d’alerte a témoigné auprès de L214 du village Potemkine organisé avant la visite du politique. « On nous a demandé de tout récurer, nettoyer, désinfecter pour qu’il n’y ait plus la moindre poussière. Les consignes étaient d’amener les politiques uniquement dans le bâtiment le plus rénové, le plus neuf ». À l’image du camion en question, vide de tout animal. En légende de la vidéo, Éric Sargiacomo évoquait aussi l’importance de « la souveraineté alimentaire ». Or, Sasso est un important exportateur de poussins vers l’Afrique et l’Asie, et alimente ses animaux avec du soja OGM en provenance d’Amérique du Sud.

L’action des lobbys

Une simple erreur de casting ? On en doute, dans la mesure où Éric Sargiacomo a été, lors de cette visite, accompagné par Paul-Henri Lava, le numéro 2 du lobby européen de la volaille (AVEC). Ce qui indigne évidemment L214. « Quand un eurodéputé influent relaie sans filtre la communication d’un lobby, il fausse lui-même le débat démocratique. On ne peut pas prétendre connaître la réalité du terrain, ni parler de « bien-être animal » en se contentant de visites aux allures de « village Potemkine » minutieusement orchestrées par l’industrie », a déclaré la directrice de L214 Brigitte Gothière.

On pourrait en rire (jaune), si Éric Sargiacomo n’était pas un des plus influents députés en ce qui concerne le monde agricole, et s’il n’était, par exemple, pas mobilisé à l’heure actuelle sur la question du transport des animaux, auquel nous avions consacré une enquête il y a quelques mois. Sa visite des élevages SASSO en dit long sur la déconnexion des politiques censés légiférer sur ce sujet, et surtout sur leur capacité à s’approprier la réalité du terrain en toute indépendance vis-à-vis des lobbys du secteur. L’eurodéputé, lui, a déclaré à nos collègues de France 3 que les allégations « lui semblaient assez éloignées de ses observations sur place ». Pour rester dans le domaine de la volaille, disons qu’on appelle cela faire l’autruche.

Read Entire Article