Face à la violence que produit l’organisation capitaliste, coloniale, patriarcale du monde, un certain nombre d’associations et de collectifs se construisent pour résister. C’est le cas d’Urgence Palestine et de la Jeune Garde, respectivement fondés pour s’opposer au génocide palestinien par l’État israélien et à la montée de l’extrême droite en France et en Europe. Or, ces résistances, à l’instar des Soulèvements de la Terre, sont de plus en plus menacé par les gouvernements néofascistes qui souhaitent les démanteler.
Alors que l’extrême droite progresse chaque jour davantage, portée par des discours racistes et xénophobes de plus en plus banalisés, les gouvernements successifs, avec des ministres de l’Intérieur difficilement distinguables du Rassemblement National, comme Gérald Darmanin puis Bruno Retailleau, s’en prennent prioritairement aux mouvements antiracistes et antifascistes.
Plutôt que de combattre les idéologies haineuses, l’exécutif cible celles et ceux qui leur résistent, criminalisant les solidarités et réprimant les mobilisations.
Procédures de dissolution en cascades
En 2023, l’ex-ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’attaquait sans vergogne aux Soulèvements de la Terre, un réseau de luttes locales contre le ravage industriel et marchand, notamment investie dans la défense de l’eau à Sainte-Soline.
Il avait ainsi lancé une procédure de dissolution, sidérant toutes les personnes conscientes de la situation cataclysmique de la planète. Si cette tentative avait finalement été avortée par la justice quelques mois plus tard par une mobilisation massive, elle n’avait pas manqué de choquer bon nombre de personnes.
Traiter de terroriste une organisation qui se bat pour une cause aussi cruciale que l’écologie apparaissait en effet comme kafkaïen. Cette initiative répressive démontrait en réalité le mépris d’une partie du spectre politique et sa capacité à aller bien au-delà du raisonnable pour défendre une minorité privilégiée.
Flatter l’électorat identitaire
Le néolibéralisme incarné par Emmanuel Macron drague ouvertement les terres du Rassemblement National en mettant sur la table des arguments démagogiques à l’égard de l’électorat identitaire, et en allant piocher parmi leurs défendeurs tels que Bruno Retailleau et Gérald Darmanin.
En s’attaquant à la Jeune Garde d’une part et à Urgence Palestine de l’autre, il criminalise à la fois la lutte contre le fascisme (et donc l’extrême droite en général) ainsi celle combattant le colonialisme et le racisme anti-palestinien. L’élargissement des procédures de dissolution est d’ailleurs fondé sur la loi « séparatisme » [introduite par Darmanin lui-même en 2021], profondément raciste et islamophobe.

Le fait qu’Urgence Palestine soit le seul collectif français porté par des palestiniens en exil, est à mettre en miroir avec les attaques foncièrement racistes et islamophobes du ministre de l’Intérieur à l’encontre de la minorité musulmane en France.
Des prétextes fallacieux et dangereux
Comme pour les Soulèvements de la Terre, une prétendue « violence » de la Jeune Garde a été mise sur la table, sur des motifs très flous, comme le raconte Blast. Dans les faits, l’organisation a surtout eu le mérite de lutter contre l’extrême droite et a œuvré au maintien de la dignité des individus.
Comme l’affirme Françoise Vergès dans son ouvrage Une théorie féministe de la violence, paru à La Fabrique en 2020 :
« la question n’est pas d’être pro- violence/non-violence, mais de refuser la condamnation bourgeoise de la violence des opprimé·es et de favoriser une multiplicité de tactiques et donc la flexibilité et l’autonomie des luttes ».
Les démarches entamées par le ministre s’inscrivent dans une époque orwellienne où les anti-fascistes sont désignés comme les fascistes, les anti-racistes comme les racistes et la gauche en général est amalgamée à l’extrême droite par le camp libéral qui entend n’offrir aucune alternative à ses propres positions.
Or, dans les faits, en agissant de la sorte, il ne fait que renforcer les mouvements identitaires en légitimant leurs idées. On peut d’ailleurs d’autant plus s’interroger lorsque l’on sait que des défilés néonazis ont, quant à eux, pu se tenir sans problème dans les rues de Paris.
Invisibiliser Gaza, et taper sur les musulmans
Les prétendues accointances d’Urgence Palestine avec l’islamisme, dénoncées par Bruno Retailleau pour justifier sa procédure, servent d’ailleurs elles aussi l’agenda raciste et islamophobe de l’extrême droite.
Il entend ainsi assimiler tous ceux qui défendraient la Palestine à l’Islam, voire à l’Islam radical ; pourtant il s’agit ici simplement de se dresser contre des crimes contre l’humanité qui sont commis à l’heure où nous écrivons ces lignes, ce que tout être humain se doit de dénoncer, qu’il soit musulman, juif, chrétien ou non-croyant.
Or, l’ensemble des médias de masse et l’immense majorité de la classe politique de droite et d’extrême droite n’ont cessé de minimiser ces massacres tout en légitimant les atrocités du gouvernement Netanyahu, notamment en leur apportant un soutien inconditionnel symbolique et matériel via la livraison d’armes, entre autres.
Réduire au silence l’un des principaux collectifs s’opposant à ce carnage tout en s’attaquant aux personnes musulmanes en France, c’est l’avantage pour Retailleau et ses partisans de nier la complicité de la France et de l’occident avec l’Etat israélien tout en attisant la haine sur une partie de nos concitoyens. D’autant que le racisme colonial est structurant dans l’histoire de la République française (et de son identité).
Un renversement dangereux du sens de l’antifascisme
Les attaques récurrentes contre les collectifs antifascistes, antiracistes et anticolonialistes révèlent une stratégie politique inquiétante comme le dénonce d’ailleurs Amnesty International : faire passer celles et ceux qui luttent contre les idéologies de haine pour des menaces à l’ordre public, pendant que les véritables courants néofascistes prospèrent. En s’en prenant à des organisations comme la Jeune Garde ou Urgence Palestine, le pouvoir renverse les repères politiques fondamentaux : ce ne sont plus les fascistes qui inquiètent l’État, mais ceux qui leur font face.

Dans ce contexte, il est urgent de rappeler que la lutte antifasciste n’est ni un délit, ni une menace à la démocratie – elle en est au contraire une condition vitale. Or, tandis que l’extrême droite détourne la notion de liberté d’expression pour légitimer des discours racistes, xénophobes ou islamophobes, l’État criminalise les formes de résistance populaires, au mépris du cadre légal qui encadre pourtant clairement l’incitation à la haine.
Ce double standard est révélateur d’un pouvoir qui ne combat pas le fascisme, mais qui s’en inspire voire le nourrit. Face à cette dérive, réaffirmer l’importance et la légitimité des luttes antifascistes, dans toute leur diversité, est une nécessité politique et morale. Refuser ce renversement, c’est défendre une démocratie réelle, fondée sur la justice sociale, l’égalité, et la solidarité — et non sur la peur, la répression et les privilèges.
– Simon Verdière
Photo de couverture : Manifestation du 5 octobre 2024 pour un cessez-le-feu immédiat en Palestine et au Liban – Paris. Flickr.
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