Imerys dans le viseur : un pèlerinage militant contre l’extractivisme

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De l’Assemblée nationale au Parlement européen, différents collectifs contre l’extractivisme ont fait leur « pèlerinage » pour dénoncer la multinationale Imerys. Reportage.

Le 12 mai 2025, une quinzaine d’opposant·es à l’extractivisme venu·es de divers coins de l’Hexagone se sont retrouvé·es à Paris pour mener une série d’actions visant l’entreprise Imerys, spécialisée dans la production et la transformation de minéraux industriels. Mr Mondialisation a suivi leur pèlerinage militant et vous en partage les coulisses.

© Zoé Chaos

Le tour des Assemblées

Ils se sont d’abord rendu·es au palais Bourbon, où siège l’Assemblée nationale, afin de rencontrer des élu·es de gauche (LFI et EELV) et les informer de l’ampleur des dégâts provoqués par l’extractivisme. 

Puis, les opposant·es ont rejoint l’assemblée générale des actionnaires d’Imerys. Petite entreprise française à sa création en 1880, Imerys est aujourd’hui présente dans 39 pays avec près de 126 implantations industrielles. Elle est le leader mondial des spécialités minérales pour l’industrie, avec un chiffre d’affaires de 3,8 milliards d’euros en 2023 et 13 700 salarié·es réparti·es dans 54 pays.

Avec beaucoup d’humour et de provocation, les militant·es ont interpellé cadres et actionnaires. Ils ont distribué de faux tickets de loterie VIP pour « Very Inutile Personne » (signifiant « personne très inutile ») ainsi que des brochures détournant ironiquement les paysages ravagés par l’entreprise. 

Les contestations contre cette entreprise se sont multipliées ces dernières années, notamment depuis l’annonce du projet EMILI (« Exploitation de Mica Lithinifère par Imerys ») dans l’Allier, à Échassières. Il s’agit d’un projet intégré de production de lithium censé « soutenir le double enjeu de la transition énergétique et de la souveraineté européenne », comme le vante l’entreprise, qui ambitionne de fournir près de 700 000 batteries de véhicules électriques par an pendant 25 ans.

Mais la population locale rejette majoritairement ce projet, qui repose sur ce que les opposant·es qualifient de bombe toxique « susceptible de présenter un risque très significatif pour la santé humaine et l’environnement ».

© Zoé Chaos

Toujours devant l’assemblée générale d’Imerys, les militant·es ont dévoilé leur mascotte Pell’tassou, un bonhomme de carnaval caricaturant l’entreprise. Ce personnage les accompagne depuis la manifestation du samedi 29 mars à Razac, contre le projet de carrière de quartz, où près de 250 manifestant·es s’étaient réuni·es à l’appel de l’association Sauvegardons Razac et la vallée de la Côle. Le quartz y est extrait pour son silicium, utilisé ensuite pour fabriquer des semi-conducteurs ou des cellules photovoltaïques destinées aux panneaux solaires.

Une conférence de presse s’est tenue dans la foulée, en présence d’une quinzaine de journalistes. Les membres de la coalition Mines de Rien y ont rappelé leur lutte à Glomel, où Imerys exploite depuis 1975 une vaste carrière d’andalousite. Dans le Centre-Ouest Bretagne, considéré comme le château d’eau de la région, se déroule un véritable combat pour la préservation de l’or bleu, mis en danger par l’extractivisme.

De Paris à Bruxelles

Dès le lendemain, les opposant·es ont pris la route de Bruxelles. La matinée a commencé par une performance musicale de Turikumwe et Los Gaiteros de Bruselas devant le siège du Groupe Bruxelles Lambert, principal actionnaire d’Imerys. Depuis les fenêtres du bâtiment, de nombreux salarié·es observaient l’événement.

© Zoé Chaos

La délégation française (Stop Mines 03, Mines de Rien, Sauvegardons Razac) a poursuivi avec des prises de parole poignantes. Carola Rackete, élue au Parlement européen depuis près d’un an, a représenté l’assemblée. À ses côtés : Juan Pablo Gutierrez, militant et délégué international du peuple autochtone Yukpa de Colombie. Ce peuple est aujourd’hui menacé de disparition, notamment à cause des maladies respiratoires causées par l’extraction du charbon.

Un témoignage marquant est aussi venu de Serbie, avec Aleksandar Matkovic, chercheur à l’Institut des sciences économiques de Belgrade. Il a évoqué l’impact de l’extractivisme dans les Balkans, notamment le projet de mine géante de lithium dans la vallée du Jadar, contre lequel a eu lieu l’un des plus grands rassemblements de 2024.

© Zoé Chaos

Aleksandar Matkovic tenait entre ses mains une lettre coécrite par des collectifs opposés à Imerys et à son actionnaire principal. Faute d’autorisation pour la remettre en main propre à la direction, ils ont obtenu la promesse d’un agent de sécurité qu’elle serait transmise.

Cette lettre, décorée d’une main rouge — symbole de soutien aux étudiant·es et au peuple serbe — dénonce la corruption systémique du gouvernement serbe. Depuis le drame de la chute de l’auvent de la gare de Novi Sad, ayant coûté la vie à 16 personnes, une vague d’indignation parcourt le pays. La main rouge, symbole de mains pleines de sang, est désormais omniprésente : dans les médias, les universités, la rue. « Les drapeaux avec ce symbole se sont propagés partout tel une croix », témoigne Aleksandar Matkovic. 

Toujours pareil : ni ici, ni ailleurs. 

La journée s’est achevée par une conférence rassemblant Michael Li (militant de Birmanie), Verónica Chávez (militante autochtone de Salinas Grandes, Jujuy, Argentine), et Nushpi Quilla Mayuay Alancay, référente des peuples indigènes de Xumek.

Ces représentant·es ont dénoncé les politiques européennes, notamment la loi sur les matières premières critiques, qui accélèrent l’extractivisme sur leurs territoires.

© Zoé Chaos

Leurs discours allaient à l’encontre du cliché « Not in my backyard ». Accuser les militant·es d’être des « NIMBYs » réduit les oppositions à une simple défense égoïste de son territoire, ignorant les dimensions globales et solidaires de nombreuses mobilisations contre l’extractivisme. Or le prétexte de la relocalisation au nom de « meilleures réglementations protégeant les droits humains et l’environnement » est un vaste mensonge, selon les opposants.

Aucune batterie pour véhicule « vert » ne fonctionne uniquement au lithium ; aucun panneau photovoltaïque uniquement au quartz. Une fosse de plus en France, c’est nécessairement une autre dans un pays du Sud.

Aleksandra Dergacova


Photo de couverture © Zoé Chaos

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