Le rat-trompette, une espèce menacée des Pyrénées

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Charme et emblème des Pyrénées, vous avez peut-être entendu parler du fameux Desman, aussi appelé « rat-trompette » en raison de son museau prolongé d’une trompe flexible comme celle des éléphants. Il se révèle être un parfait indicateur de la santé des cours d’eau locaux. Or, le Desman présente un risque très élevé d’extinction à l’état sauvage…  

Certains traquent ces moindres excréments, d’autres dressent des chiens renifleurs pour flairer la moindre trace de ce rat atypique, le Desman se laisse peu voir, et surtout, il est depuis 2021, classé comme espèce « en danger » par l’International Union for Conservation of Nature (UICN).  

Le rat le plus mystérieux du monde 

Du Desman, vous ne verrez que, par chance, « des petits tortillons de 2-3 mm de diamètre, brillants du fait de la présence de restes d’insectes », ironise le site du parc national des PyrénéesBien que le Desman de Russie (ou Desman de Moscovie) fût déjà connu et décrit par Buffon dès 1763, le Desman des Pyrénées est décrit officiellement en 1811 par le naturaliste français Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, une découverte relativement tardive qui s’explique par sa nature discrète et son habitat difficile d’accès.  

Avec toutes autorisations – David Perez

Le physique du Galemys pyrenaicus joue sûrement sur l’obsession qu’ont grand nombre de naturalistes, avec ce museau prolongé par une trompe flexible d’environ 20 mm, dotée de vibrisses, son pelage lustré, brun foncé sur le dos et gris argenté sur le ventre. Plus intelligent que la plupart des autres rats, et tout aussi doué d’empathie.

Le Desman vit dans des cours d’eau situés entre 15 mètres et 2 700 mètres d’altitude, où il se nourrit d’insectes, d’après le document officiel du Plan National d’Action en faveur du Desman. C’est un mammifère qui effectue des déplacements importants, allant jusqu’à 17,8 km en 12 mois, peut-être en raison de sa répartition fragmentée dans les Pyrénées françaises et espagnoles, au niveau de la cordillère Cantabrique.

Selon des données de 1993 communiquées par le parc national des Pyrénées, le Desman était présent sur 236 zones des Pyrénées françaises, couvrant environ 1 687 400 hectares. Pourtant, ce rat semi-aquatique ne se trouve pas sur l’ensemble de ces zones, mais uniquement le long des cours d’eau qui les traversent. Ainsi, l’espace réellement occupé par l’espèce est considérablement plus limité que ce que le chiffre global pourrait laisser penser.

Par Salix. Wikimedia

Un animal menacé de plus

En France notamment, son statut est passé de Quasi-menacé (NT) à Vulnérable (VU) sur la Liste Rouge des mammifères continentaux de France métropolitaine de l’UICN en 2017, faisant de lui une espèce menacée aux niveaux national et mondialAlors que l’on estime sa population à moins de 17 000 individus sur le versant français des Pyrénées, sa densité de population variant entre 2 et 5 individus par kilomètre linéaire en France.

La population a diminué jusqu’à 50 % dans toute son aire de répartition depuis 2011. 

Cette diminution est d’autant plus inquiétante que le Desman des Pyrénées est considéré comme un excellent bio-indicateur de la santé des écosystèmes aquatiques montagnards. Sa protection est cruciale pour la préservation de la biodiversité pyrénéenne.

Par Didier Descouens. Wikimedia.

La fragmentation et la dégradation de son habitat, principalement dues aux activités humaines, comme la construction de barrages et d’installations hydroélectriques, l’artificialisation des berges, la variation brutale du niveau et de la température des cours d’eau, les loisirs aquatiques, très populaire dans les Pyrénées jouent aussi un rôle destructeur sur leur habitat.

En cause également, l’assèchement des zones humides qui peut être liée au réchauffement climatique, et la pollution des cours d’eau, les pollutions liées aux contaminations d’hydrocarbures et au sel de déneigement par les routes, ainsi que le déversement d’eaux usées contribuent, qui contribuent aussi, à limiter la reproduction de l’espèce. 

D’après le site de la DREAL des Pyrenées, la diminution des proies disponibles, liée à la modification des conditions physico-chimiques de l’eau affectant les invertébrés aquatiques, ainsi que des changements dans la composition et la productivité des peuplements d’invertébrés, ne permet pas à l’animal de se nourrir convenablement.

Une éventuelle compétition avec d’autres espèces pour les ressources alimentaires, comme avec la Truite, le Cincle plongeur, ou l’Omble pourrait le fragiliser, tout comme une potentielle prédation par des espèces invasives comme le Vison d’Amérique, mais sans commune mesure avec les causes humaines mentionnées plus haut. Des causes intrinsèques à l’espèce, comme la présence de parasites et pathogènes, une stérilité chez les femelles, dont on ignore la cause, ont également pu être constatées.

Enfin, la mortalité directe par la pêche ou lors de collisions routières, ou la mise à mort volontaire par des pisciculteurs ou des collectionneurs, restent des cases très minoritaires.

Par Joxerra Aihartza.

Des mesures prises pour sa conservation

La modélisation de la répartition du Desman des Pyrénées projetée sur les scénarios climatiques pour 2070-2099 a permis d’évaluer les menaces liées au changement climatique. La température moyenne estivale et le bilan hydrique apparaissent comme les principaux facteurs influençant les réductions significatives de la répartition future de l’espèce

Les scénarios les plus sévères prédisent son extinction du Système central ibérique et du nord du Portugal, ainsi que son cantonnement aux zones de haute altitude dans les autres massifs montagneux que sont la cordillère Cantabrique et les Pyrénées. Ainsi, une migration assistée des Desmans, mesure préventive de conservation qui consiste à déplacer intentionnellement des espèces hors de leur aire de répartition d’origine vers un habitat jugé plus favorable, en tenant compte des changements climatiques actuels ou prévus, pourrait être une stratégie de conservation à long terme.

Par David Perez. Wikimedia.

Parallèlement, le Plan national d’actions (PNA) en faveur du rat-trompette, courant de 2021 à 2030 est en cours, dont l’objectif est d’identifier les types d’impacts et de définir des conditions de cohabitation entre le Desman et les activités humaines.

À ce jour, plusieurs mesures ont été mises en place, comme une amélioration des connaissances biologique et écologique, jusqu’à ce jour très légères. Le PNA a aussi permis le développement d’outils d’étude standardisés, une actualisation de la carte de répartition via la prospection d’indices de présence et des opérations de capture. Une certaine protection de l’habitat, par identification et neutralisation des « points noirs » menaçant l’espèce (sources de pollution, captages d’eau, etc.), ainsi que la création de zones refuges pour améliorer la potentialité d’accueil des milieux, la mise en place d’un réseau de sites protégés ou gérés. 

Concernant l’aménagement du territoire, la présence du Desman est systématiquement prise en compte et intégrés dans les politiques publiques, ainsi qu’une sensibilisation auprès des différents publics permet d’informer sur une éventuelle rencontre. Ces mesures s’inscrivent dans une stratégie à long terme visant à assurer la conservation et la restauration du Desman des Pyrénées à l’échelle de son aire de répartition française. Et si on faisait pareil avec le loup ? 

Maureen Damman


Photo de couverture : David Perez. Wikimedia.

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