Depuis 25 ans, l’Agence de la transition écologique (ADEME) analyse chaque année les perceptions des Français sur le changement climatique. Selon les données du baromètre publié fin octobre 2024, 38 % des Français affichent une attitude climatosceptique. Parmi eux, 30 % considèrent que le changement climatique est un phénomène naturel, tandis que 2 % en nient purement et simplement l’existence. Les 6 % restants n’ont pas d’opinion sur le sujet. Ces chiffres, en hausse ces dernières années, traduisent une polarisation des opinions sans précédent. Décryptage.
Dans un contexte marqué par une série dramatique de catastrophes climatiques (incendies, inondations, canicules …), ces données peuvent surprendre. Pourtant, elles sont bien réelles : en plus des « dénialistes » convaincus (2%), 30% des Français estiment que les désordres climatiques observés ces dernières années « sont des phénomènes naturels comme il y en a toujours eu ».
Dans son nouveau baromètre évaluant les représentations du changement climatique de la population nationale, l’ADEME identifie la typologie des répondants, et dresse ainsi le portrait d’une population fracturée face au climat.
Entre déni et scepticisme climatique relatif
Qu’on se rassure : une très grande majorité de Français affirme que le réchauffement relève d’un consensus scientifique. Ils se disent « convaincus de la réalité du changement climatique et de ses causes anthropiques » et se montrent favorables aux mesures individuelles ou collectives pour réduire notre impact sur l’environnement.
Pour autant, le scepticisme climatique semble gagner du terrain. Si le rapport de l’année dernière avait déjà conclu à une stagnation, voire une diminution de degré de sensibilité du public, la tendance se confirme. Les auteurs du rapport détaillent :
« Ainsi, l’idée selon laquelle les désordres climatiques « sont des phénomènes naturels comme il y en a toujours eu » progresse de 7 points de pourcentage. De même la proposition selon laquelle « il y a actuellement un changement climatique et il est dû à l’activité humaine » qui recueillait l’année dernière 64 % se situe aujourd’hui à 62 % ».
Aux côtés des « Convaincus » et des « Sceptiques », dont certains pensent également que les scientifiques qui étudient les évolutions du climat « exagèrent les risques de réchauffement climatique », on retrouve finalement les « Hésitants ». Avec un profil de réponses « mixte », ils se positionnent soit du côté des convaincus, soit du côté des sceptiques selon les questions et les thématiques abordées.
L’écologie : une question politique ?
Derrière cette typologie se cachent de nombreuses réalités : âge, revenus, éducation, idéologie politique ou expérience personnelle des changements climatiques sont autant d’attributs qui semblent forger l’opinion de la population.
Ainsi, à la question « Dites-moi si la protection de l’environnement est importante ou pas pour vous » en y attribuant une note de 1 à 10, les chercheurs constatent que les plus jeunes (15-17 ans) se montrent bien plus préoccupés que leurs ainés par les questions environnementales (21 % pour une moyenne de 9 %). Il en est presque de même pour les diplômés du 2ème et 3ème cycle supérieur scientifique (16 %).
Si l’année 2019 avait été marquée par un pic de préoccupation pour l’environnement en tant que choix n°1, elle se trouve aujourd’hui à son plus faible niveau depuis (9%), « d’abord à cause d’une inquiétude toujours marquée pour – la hausse des prix (26%) mais aussi par le retour de craintes liées à l’immigration (15 %) », décrypte l’ADEME.
Les plus âgés saturés d’entendre parler de l’environnement
En outre, l’accroissement d’un type de scepticisme relatif qui admet l’existence d’un changement climatique tout en niant les origines anthropiques de ce dernier est très relatif selon le profil des personnes interrogées. Selon les données du rapport, la conviction d’un changement anthropique culmine à 70 % parmi les 15-17 ans, mais seulement 57 % chez les 18-25 ans et 49 % chez les 25-35 ans. Elle atteint d’autre part 79 % pour ceux qui se classent « très à gauche », contre 49 % « à droite ».
Autre facteur intéressant : avoir subi (« souvent » ou « parfois ») les conséquences de désordres climatiques sur le lieu d’habitation est une expérience dont le ressenti a beaucoup augmenté ces dernières années jusqu’à un pic de 51 % en 2022. En 2023 le total des réponses positives avait quelque peu diminué. Cette année il augmente de 9 points (53 %), note le rapport.
Finalement, plus d’un quart des Français estiment en avoir assez d’entendre parler d’écologie sur leur poste radio ou à la télévision (26%), alors que le nouvel Observatoire des Médias sur l’écologie estimait il y a peu que seul 3,7% du temps d’antenne était consacré aux enjeux environnementaux dans les programmes d’information des médias audiovisuels durant la même année. Cette saturation se cristallise surtout auprès des personnes âgées de plus de 65 ans (70%) et de ceux qui se situent à droite (86%).

Comment expliquer le climatosceptisme ?
Selon les chercheurs, les pistes d’interprétation de ces résultats sont assez semblables à celles qui avaient été présentées l’année dernière.
« La première hypothèse à prendre en compte est toujours celle d’un effet de conjoncture. Il se peut que la dégradation du pouvoir d’achat et la montée de préoccupations sécuritaires toujours présentes cette année tendent à relativiser les enjeux environnementaux dans l’esprit du public. L’idée d’une antinomie entre pouvoir d’achat et préservation de l’environnement a toujours été présente dans les mentalités ».
De plus, l’ADEME avance la possibilité d’une saturation du débat public « en raison de l’avalanche constante dans les médias de mauvaises nouvelles », qui finiraient en quelque sorte par banaliser l’urgence climatique. Paradoxalement, ces évolutions s’accompagnent d’une « progression sensible de la demande de politiques publiques de lutte contre l’effet de serre ».
Dans le même temps, les données présentées laissent à penser que la propension personnelle à agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre tend à fléchir. Les chercheurs concluent :
« Tout se passe comme si, devant l’ampleur tangible des conséquences du changement climatique, on assistait à une moindre implication au niveau individuel et à une plus forte demande d’Etat »
– Lou A.
Photo de couverture de Ivan Aleksic sur Unsplash
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